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L'Apothéose de la canaille

Louis-Maurice Boutet de Monvel

1884

huile sur toile

h = 4,3 m ; 3,32 m

Cette immense composition, dont les évidentes intentions politiques entraînèrent son retrait du Salon de 1885 quelques jours seulement avant l'ouverture, a suscité bien des débats. Le journaliste Rochefort, pourtant républicain des plus intransigeants, critiqua cette mesure qui attentait à la liberté de l'art. Pour satisfaire sa clientèle et lui permettre de juger par elle-même, Le Figaro exposa la toile dans son grand hall des abonnements à partir de mai 1885 pour les seuls abonnés et invités!
Véritable pamphlet anti républicain, le sujet représente une scène de la Commune avec un homme aviné assis comme sur un trône au sommet d'une barricade et tenant de la main droite un couteau et de l'autre une bouteille de vin. Il est vêtu de guenilles mais porte une couronne et un ample manteau rouge tel un souverain. Les deux personnages derrière lui ont été empruntés à l'Auberge des Adrets, le célèbre mélodrame de Benjamin Antier, Saint-Amand et Paulyanthe : Robert Macaire qui étend les mains dans un geste de consécration et Bertrand qui joue de la grosse caisse. Dans la partie inférieure, une foule déchaînée tend furieusement les bras. À mi-hauteur, une jeune femme, figurant la France, est écrasée par le pied sale de l'homme assis.
Toute polémique mise à part, on ne peut qu'être saisi par la puissance et l'originalité de cette peinture dues à la vue di sotto et aux raccourcis caricaturaux qui, en découlent, à la violence du coloris symboliquement tricolore, au côté guignolesque des trois acteurs principaux et surtout à l'expression de violence aveugle qui se dégage de cette foule déchaînée. Quant à ces multiples mains noires, agressivement tendues, elles ont été voulues par l'artiste pour donner une impression de populace et de mouvement du bas vers le haut de la composition.
Comme Zola dans l'Assommoir et dans Germinal – apparu en même tant que l'Apothéose de la canaille… – Boutet de Monvel donne à voir ces classes laborieuses, classes dangereuses, nées de l'industrialisation, dont les révoltes ont défait les régimes tout au long du XIXe siècle.

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